Carnet de bord – voyage d’étude au Canada

Posté le 18 avril 2025

Jours 1 & 2 – Québec 🇨🇦

Avec une délégation de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous sommes à Québec, pour une immersion dans le système éducatif et culturel de nos homologues canadiens. Je vous propose un petit carnet de bord avec les 6 heures de décalage horaire.

Jour 1 – Plongée dans la diversité francophone et l’éducation québécoise

Premiers pas au Ministère des Relations internationales et de la Francophonie : C’est ici tout l’enjeu de la « découvrabilité » des contenus culturels : comment garantir que les créations francophones émergent et ne soient pas noyées dans un océan anglophone, dominé par les grandes plateformes ? Une ambition commune : faire vivre la diversité linguistique à l’ère numérique.

Puis, rencontre marquante avec le Protecteur national de l’élève, une institution jeune (créée en 2022) mais déjà essentielle. 20 protecteurs et protectrices régionales veillent au respect des droits des élèves et de leurs familles, et luttent contre toutes les formes de violence. Un modèle inspirant pour renforcer les droits des jeunes.

Rendez-vous ensuite au Ministère de l’Éducation, et on y parle empathie. Oui, l’empathie s’apprend ! Elle est même au cœur du programme « Culture et citoyenneté québécoise ». Un programme ambitieux pour bâtir une société bienveillante, où le vivre-ensemble se travaille dès l’école. Dans la même logique, un vaste plan de prévention contre la violence et l’intimidation complète ce cadre éducatif. Une évaluation des expérimentations menées en France devra être établie, car le concept tel qu’avait voulu l’importer Gabriel Attal, alors ministre démissionnaire de l’éducation nationale, n’était clairement pas à la hauteur de ce qui est mené ici : sans moyens dédiés, sans accompagnement des professeur·es (un énième coup de com’ ?!)

Clôture de la journée par une visite de la vieille ville de Québec – chargée d’histoire… et de contrastes climatiques impressionnants : ici, le thermomètre flirte avec les -40° l’hiver et +40° l’été !

Enfin, un temps d’échange précieux avec le Consul de France : réflexions sur la complexité du système fédéral canadien, sur les fragilités liées à la dépendance économique aux États-Unis, donc sur les inquiétudes face aux ambitions de Trump… mais aussi sur les enjeux spécifiques au Québec et à l’importance des partenariats renforcés avec la France.

Jour 2 – Institutions, culture et éducation : Québec en action

Début de journée à l’Assemblée nationale du Québec, composée de 125 député·es. Rencontre avec Vincent Caron, député de Portneuf et membre de la Coalition Avenir Québec (majoritaire). Echanges nourris sur le fonctionnement de nos deux parlements, les réformes et projets de loi en cours, et nos points communs… mais aussi nos différences.

Rencontre ensuite avec la ville de Québec, capitale affirmée et revendiquée comme « vibrante de culture ». Ici, la politique culturelle est une priorité (tiens tiens !), avec des budgets en hausse, et une vision à long terme : la culture comme levier de cohésion et d’identité.

Puis cap sur le Cégep de Sainte-Foy, plus grand Cégep du Québec. Ce niveau intermédiaire entre le secondaire et l’université est une particularité forte du système québécois. Avec 10 900 étudiant·es sur plus de 90 000 m², c’est un véritable campus de vie : salles de spectacle, galeries d’art, gymnases… On y propose aussi un volet important de formation continue pour adultes. Une vision globale de l’éducation, pensée comme un continuum, au cœur du territoire.

Fin de journée sur la route entre Québec et Montréal, la tête pleine d’idées et de pistes d’inspiration. Au menu du soir (tant pis pour la diététique !), la traditionnelle poutine !

Jour 3 – Québec, sous la neige

Le cirque, la terre, l’humain… et tant d’espoirs entremêlés. Hier matin, cap sur le quartier Saint-Michel, à Montréal. Un quartier longtemps enclavé, défavorisé, oublié… jusqu’à ce qu’un projet y prenne racine : la TOHU, dans la Cité des arts du cirque.

Ici, sur l’ancien site d’une carrière de calcaire, puis de la plus grande décharge à ciel ouvert de la ville, on a semé autre chose : de la culture, de l’éducation, de l’écologie, et surtout… du cirque contemporain.

Le Cirque du Soleil s’y est installé dès 1997, suivi par l’École nationale de cirque, puis une salle de spectacle et une maison de la culture. En échange de la fermeture du site d’enfouissement, une compagnie de diffusion artistique a vu le jour. Et avec elle, une ambition puissante : redonner de la dignité à un territoire, revitaliser un quartier, et créer un lieu de vie, d’émancipation et de transmission.

Aujourd’hui, la TOHU, c’est un projet culturel, social et environnemental avec la création d’un parc qui se poursuivra jusqu’en 2035. Une démonstration grandeur nature qu’un autre modèle est possible.

Direction ensuite à la Fondation Laurent Duvernay-Tardif – du nom du joueur de football devenu médecin (!), à l’image de l’alliance qu’elle promeut : sport et arts au service de l’égalité des chances.

Des programmes de 13 semaines en arts visuels et en sport, dans une cinquantaine d’écoles primaires. Une fondation qui agit concrètement pour la réussite éducative des enfants et qui lutte contre les inégalités, en particulier ceux qui n’ont pas les moyens d’accéder à ces activités. C’est gratuit pour les jeunes, gratuit pour les écoles, et ça continue même l’été sous forme de camps de jour (l’équivalent des centres aérés chez nous).

Enfin, immersion dans la création numérique avec XN Québec, l’association des producteurs d’expériences immersives et interactives. 200 membres, un écosystème dense : réalité virtuelle, projection, son, image, logiciels… Le Québec rayonne à l’international dans ce domaine.

Mais pas de fascination aveugle ici : les enjeux éthiques et environnementaux de l’IA sont bien présents dans les débats. Une mobilisation collective autour d’un numérique créatif, responsable et ambitieux.

Montréal, Jour 4.

Langue, université, avenir : dernier jour d’un voyage d’étude riche de sens !

Ce dernier jour nous ramène à l’essentiel : la langue, la transmission, l’éducation. C’est au Ministère de la Francophonie et des Relations internationales que s’ouvre la journée, avec un temps fort consacré à la Charte de la langue française – véritable colonne vertébrale de l’identité québécoise.

Dès 1968, une politique linguistique voit le jour pour défendre l’usage du français face à une dynamique économique nord-américaine écrasante. La commission Gendron, en 1972, appelle à légiférer pour ne plus subir, mais affirmer : la loi sur la langue officielle de 1974, puis surtout la Charte de 1977, viennent poser le français comme langue officielle et commune de la nation québécoise.

Mais cette charte ne fige rien : elle évolue, s’adapte, parfois s’assouplit (à cinq reprises), jusqu’à une réforme en profondeur menée en 2022. Désormais, tous les pans de la vie collective sont concernés : législation, administration, monde du travail, enseignement supérieur, commerce… Un Ministère de la langue française a été créé et les pouvoirs de l’Office québécois de la langue française renforcés. La vigilance est incarnée par un commissaire indépendant, qui rend compte chaque année à l’Assemblée nationale.

Par contre, il faut le préciser, la défense du français au Canada n’est pas une crispation identitaire.

À suivre, direction le campus de l’Université de Montréal, sous le signe de la collaboration et de l’amitié. Une université dynamique, forte de 48 000 étudiant·es, dont plus de 2 500 Français·es. Deux thématiques majeures rythment cette visite.

La première : l’architecture, depuis 60 ans, l’École d’architecture est intégrée à l’université, dans une logique où la fabrication est partie prenante de l’apprentissage. L’enseignement est étroitement lié aux ordres professionnels, qui accréditent les formations et délivrent les qualifications. Environ 100 diplômés par an sortent de cette école, avec une exigence forte et un lien concret au métier.

La seconde : l’accompagnement des étudiants. Car si les droits d’inscription (environ 3 000 dollars canadiens par session, soit 6 000 et donc 4 000 euros/an) restent bien en-deçà des tarifs pratiqués ailleurs en Amérique du Nord, les obstacles financiers existent pour les étudiant·es. Des prêts sans intérêts sont possibles, remboursables à la fin des études, mais ce n’est pas un système que je partage, on ne devrait pas commencer sa vie professionnelle en étant endetté. Des bourses gouvernementales et universitaires viennent compléter ce dispositif, notamment dans les filières en tension ou pour les jeunes en situation de précarité.

Ici aussi, le décrochage reste aussi une réalité, souvent pour raisons économiques. Et une autre urgence s’impose avec force : la santé mentale des étudiants. Le symptôme d’une époque. Selon deux enquêtes internes, 22 % d’entre eux souffrent de symptômes dépressifs. L’université a mis en place un plan d’action dédié, avec une politique volontariste de prévention. Un combat essentiel pour permettre à chacun de se projeter dans l’avenir, que nous devons aussi mener chez nous avec détermination.

Comme je le dis souvent : jeunesse ne devrait pas rimer avec détresse. La précarité ne devrait pas être un passage obligé pour étudier. Un long chemin est à parcourir.

Ce séjour au Québec s’achève, mais les enseignements, eux, se prolongent.

Un territoire singulier, un esprit collectif, des projets vivants. Nous avons pris un peu de hauteur sur le Mont Royal et prendrons un peu de recul pour faire quelque chose de ce que nous aurons entendu et appris chez nos cousins d’Outre-Atlantique. Et comme nous ils et elles nous l’ont souvent dit : « ça fait plaisir » de se rencontrer.

Et maintenant je vais aussi prendre un peu de repos en rentrant !