Restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945

Posté le 21 juin 2023

Hier en commission était voté à l’unanimité un projet de loi sur la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations antisémites. 

« Le refoulement des crimes passés est le terreau des malheurs à venir. Nous ne pouvons pas effacer notre passé mais nous pouvons travailler à le réparer. Assumer, c’est apaiser. Ce devoir de réparation nous incombe de manière imprescriptible comme le sont les crimes contre l’humanité perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. Chaque restitution est un acte de justice. » 

Retrouver mon intervention entière ci-dessous ⤵️

Mme la Ministre, Mme la rapporteure, mes chers collègues,

Ne pas oublier. Pour toutes les victimes de la Shoah, leurs enfants et leurs petits enfants. 

Ne pas oublier qu’en France, les spoliations n’ont pas seulement été le fait de nazis mais aussi de Français, dignitaires du régime de Vichy ou anonymes, qui ont acquis des œuvres avec des procédures de “vol légal”. 

Ne pas oublier que la France a participé à la privation des juifs de leur héritage patrimonial mais surtout culturel, dans une volonté de priver un peuple de son histoire et de son humanité. Que derrière la spoliation culturelle des juifs se cache la volonté d’annihilation de leur individualité, de leur histoire, de leur héritage portée par le régime Nazi et par l’extrême-droite française au service du gouvernement de Vichy. 

Il est de notre devoir de ne pas oublier la pente fasciste qu'à délibérément prise la France. Cette pente réactionnaire engagée avant la défaite de 1940 par une défaite morale faite de la stigmatisation des réfugiés et d’une vindicte des discours publics à l’encontre de la démocratie parlementaire ou des “étrangers”, désignés comme responsables du déclin de la France. Ce terme d’étranger désignait alors les juifs français, ou européens pour ceux d’entre eux qui fuyaient les pays annexés par Hitler. Une pente qui a commencé par la superposition de décrets-lois contre l’immigration pour finir par les lois raciales/antisémites et scélérates de Vichy que l’on connaît tristement.

Devoir de mémoire, devoir d’histoire : pour se souvenir, pour réparer et surtout pour comprendre les mécanismes qui entraînent de tels faits dans un contexte précis pour comprendre ce qui peut se jouer sous notre nez ajd. 

Le refoulement des crimes passés est le terreau des malheurs à venir. Nous ne pouvons pas effacer notre passé mais nous pouvons travailler à le réparer. Assumer, c’est apaiser. 

Ce devoir de réparation nous incombe de manière imprescriptible comme le sont les crimes contre l’humanité perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. Chaque restitution est un acte de justice. Réparer le mal au service des descendants des victimes spoliés, c’est ainsi bâtir l’avenir de toutes les générations futures sur des bases meilleures. Aussi longtemps que nécessaire, le Parlement prendra les actes nécessaires pour restituer les biens spoliés par les actes antisémites.

Rappelons nous que c’est grâce à l’héroïque action d’inventaire de Rose Valland, cette résistante attachée de conservation du Musée du Jeu de Paume, identifiant plus de 60.000 oeuvres pillées, sur les 100.000 estimées, en gardant la trace de chacun de leurs mouvements, provenance et destination pendant 4 ans, que 45.000 oeuvres ont pu être restituées à la Libération. 

Force est de constater cependant que la dynamique de restitution s’est ensuite essoufflée. Les « Principes de Washington » actés en 1998 se heurtent à l’inertie de la législation. Si les restitutions annoncées en grande pompe n’ont jamais cessé, elles n’en demeurent pas moins exceptionnelles. Les travaux de la sénatrice écologiste Corinne Bouchoux en 2012 ont permis mettre en lumière la  négligence des pouvoirs publics sur certaines oeuvres au passé “flou” et de relancer le débat sur la nécessité d’une véritable loi-cadre, permettant une politique volontariste de restitution des œuvres spoliées pendant la 2ème GM, mais aussi par le passé colonial français. 

Dans les collections publiques, un immense travail d’inventaire s’impose au-delà des Musées nationaux récupération pour comprendre le parcours juridique d’appropriation de ces œuvres. Une loi-cadre permettrait d’inscrire ces restitutions dans une démarche scientifique et transparente, dans un travail de fond plutôt qu’à travers des décisions dictées par l’urgence ou des considérations diplomatiques. 

Au-delà de ces limites, nous saluons la présente initiative gouvernementale. La procédure de sortie de biens culturels spoliés qu’elle instaure lève le frein “d’inaliénabilité“ à la restitution des œuvres publiques, avec un élargissement de la période historique de recherche et une ouverture aux collections privées. 

Je salue les multiples apports du Sénat, venant notamment inscrire la reconnaissance de la responsabilité de la spoliation par le régime de Vichy dans le Code du Patrimoine et donner un caractère public et transparent aux avis de la commission compétente en matière de réparation des préjudices. 

J’espère que ce projet de loi en appellera d’autres. Nous savons que nos musées regorgent d'œuvres résultats d’autres massacres et pillages. Or il on ne pourra pas écrire notre avenir, sans avoir tiré au clair notre passé.